Migrants: dès ce samedi, des familles avec enfants peuvent être détenues au 127 bis

Des maisons unifamiliales ont été aménagées pour enfermer des familles avec enfants au centre fermé 127 bis de Steenokkerzeel. L’arrêté royal, publié le 1er août 2018 est entré en vigueur ce samedi. Une mesure qui fait polémique auprès des ONG. 

Située à côté des pistes de l’aéroport national, cette nouvelle extension du centre se compose de quatre unités, deux sont destinées aux familles de six personnes, tandis que deux autres sont pour les familles de huit personnes.  Ces familles en situation illégale pourraient être enfermées pour une durée pouvant aller jusqu’à un mois.

Les ONG dénoncent cette situation en s’opposant à l’enfermement des enfants : “Comme les associations de défense des droits des étrangers ont pu le constater lors d’une visite organisée par l’Office des étrangers, le 11 juillet dernier, les ‘maisons familiales’ sont en réalité une ‘prison familiale’, et rien de moins”, dénonce le CIRE (coordination et initiatives pour réfugiés et étrangers) dans un communiqué de presse. “Une prison dans laquelle les enfants mineurs de plus de 16ans pourront être placés à l’isolement pendant 24 heures, probablement dans le centre 127 bis, qui n’est pas adapté aux mineurs”. 

Myria adresse ses mises en garde

Myria, centre fédéral de la Migration, a adressé vendredi plusieurs mises en garde au gouvernement fédéral à la veille de l’entrée en vigueur de l’arrêté qui permettra à nouveau l’enfermement de familles en vue de leur expulsion. Il rappelle son hostilité à cette pratique et se dit “très préoccupé” par plusieurs dispositions.

La Belgique a cessé cette pratique en 2009 à la suite d’une condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme pour l’enfermement d’enfants au centre fermé 127bis de Steenokkerzeel. Des solutions de rechange avaient été mises en place sous la forme de “maisons de retour”, ouvertes, mais le dispositif a été jugé trop peu efficace, notamment en raison du nombre de fuites des familles qui y étaient installées (environ un tiers).

La loi n’a jamais été modifiée et autorise toujours l’enfermement de familles avec mineurs. Le gouvernement précédent avait prévu d’y revenir mais le projet n’avait pas été mis en oeuvre. Le gouvernement actuel a franchi le pas et approuvé un arrêté qui organise le régime. Des unités familiales ont été aménagées au “127bis“, censées répondre aux besoins d’une famille et éviter un mauvais traitement de l’enfant.

Des dispositions “inquiétantes”

Certaines dispositions inquiètent Myria. La durée de détention est limité à un mois (14 jours renouvelables) mais en pratique les délais de détention sont remis à zéro après chaque tentative d’éloignement manquée. Certaines familles pourront être directement enfermées, sans solution de rechange, si un membre de celles-ci présente un danger pour l’ordre public ou la sécurité nationale, sans que ces deux notions ne soient clairement définies. Enfin, pour des raisons disciplinaires, un mineur de 16 ans pourra être placé à l’isolement pendant 24h, sans mise en garde préalable, sans garantie d’un accès à l’extérieur et sans que les conditions de visite des parents ne soient définies.

Rien n’est en outre précisé sur l’usage de la contrainte, qui pourrait aussi être appliquée aux enfants, l’importance de respecter l’unité familiale, etc.

Par ailleurs, la Belgique ne dispose toujours pas de mécanisme national de prévention qui permettrait des visites régulières et de manière indépendante des lieux de détention.

Myria, dans le cadre de son mandat de veiller au respect des droits fondamentaux des étrangers, suivra de près la manière dont ces familles vont être détenues et continue à plaider – comme il le fait depuis de nombreuses années- pour que les autorités mettent davantage de moyens dans les alternatives à la détention (et la manière d’augmenter leur efficacité) plutôt que dans des dispositifs répressifs et criminalisant bien plus couteux tant financièrement qu’en droits humains“, conclut-il.

Le HCR demande à la Belgique de ne pas enfermer des enfants

Le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) des Nations-Unies a exhorté vendredi la Belgique à ne pas enfermer des enfants en vue de leur expulsion avec leur famille.

Les enfants, en particulier ceux qui arrivent dans un autre pays à la recherche d’une protection internationale, sont extrêmement vulnérables et ont besoin de soins spécifiques. Nous devrions les traiter d’abord et avant tout comme des enfants, et non comme des étrangers en situation irrégulière“, a expliqué la Représentante régionale adjointe du HCR pour l’Europe de l’Ouest, Véronique Robert.

Même s’ils sont détenus avec leur famille ou seulement pour une courte durée, la détention peut avoir un effet dévastateur sur le développement physique, émotionnel et psychologique des enfants, selon le HCR.

Avec Belga

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11 août 2018 - 13h40
Modifié le 12 août 2018 - 11h37