Réforme du code pénal : des membres de la commission démissionnent

Les membres de la commission de réforme du Code pénal ont annoncé lundi qu’ils quittaient cet organe car ils estiment que l’avant-projet approuvé par le gouvernement était “dénaturé” et contraire en plusieurs points fondamentaux à leurs convictions.

Cette commission a été mise sur pied en 2015 pour élaborer une réforme des Livres I et II du Code pénal, l’un des nombreux chantiers du ministre de la Justice, Koen Geens. Elle est composée de Damien Vandermeersch, ancien juge d’instruction, actuellement avocat général à la Cour de cassation et professeur à l’UCL et à Saint-Louis, et de Joëlle Rozie, professeur à l’Université d’Anvers.

A la fin juillet, le gouvernement a approuvé la réforme mais en apportant des modifications que la commission ne peut accepter. Alors qu’elle voulait mettre un terme au “tout à la prison”, la commission constate que l’emprisonnement redevient la peine de base de référence et soit même élargi alors que elle le considérait plutôt comme le remède ultime. A ses yeux, les concessions faites risquent de conduire à un recours accru à la prison.

Les deux membres de la commission épinglent la réintroduction de l’emprisonnement comme peine subsidiaire à la peine de travail, la peine de probation et surtout la peine d’amende, ce qui s’apparente selon eux à un emprisonnement pour dettes: si une personne n’a pas les moyens de payer son amende, elle risque d’être emprisonnée.

La peine de traitement imposé a été quant à elle supprimée du projet. Elle visait le cas de personnes qui souffrent de troubles mentaux et commettent une infraction sans toutefois être internées car elles sont jugées responsables de leurs actes. Les experts proposaient une possibilité de leur imposer de suivre un traitement plutôt que de les envoyer directement en prison.

L’un des points essentiels de la réforme concernait la récidive. Elle ne devait mener à une aggravation de peine que dans les cas spécifiquement déterminés. Tel quel le texte du gouvernement en revient pourtant à une quasi-généralisation de l’aggravation. En outre, en cas de récidive, un seuil de deux tiers de peine purgée est réintroduit avant de pouvoir prétendre à une libération conditionnelle alors qu’un tiers est devenu la règle depuis un arrêt de la Cour constitutionnelle.

La réforme prévoit plusieurs niveaux de peine. Au niveau 1, qui concerne des infractions mineures, la version première du texte ne prévoyait pas de peine de prison. La version du gouvernement réintroduit celle-ci. Conséquence: la peine devient possible pour toutes les infractions sans exception, même celles qui auparavant n’étaient punies que d’une amende.

M. Vandermeersch et Mme Rozie “ont estimé qu’ils ne pouvaient plus apporter leur soutien à un projet qui leur apparaît dénaturé mais qui surtout, sur des points fondamentaux, va à l’encontre de leurs convictions non seulement en tant qu’experts mais aussi en tant que personnes humaines”, déclarent-ils.

Les deux membres de la commission ont envoyé un communiqué de presse pour annoncer leur décision et expliquer leurs motivations. “Nous avons essayé de le dire à l’intérieur. Maintenant, on le dit à l’extérieur”, a expliqué M. Vandermeersch à l’Agence Belga.

La version première du texte n’a manifestement pas résisté aux arbitrages internes du gouvernement. M. Vandermeersch y voit aussi l’illustration du peu cas fait ces dernières années du travail des experts. “Je l’entends dire régulièrement: on nous demande de venir exposer longuement notre avis au parlement et, finalement, on n’en tient pas compte”, a-t-il dit.

Des modifications limitées, estime Koen Geens

Les modifications apportées par le gouvernement au projet de réforme du Code pénal sont limitées, a affirmé lundi le ministre de la Justice, Koen Geens, après la démission de la commission chargée de préparer cette réforme.

Le ministre regrette la décision prise par Damien Vandermeersch et Joëlle Rozie et les remercie pour le travail fourni. Il insiste sur la nécessité d’un Code pénal modernisé, cohérent et simplifié. “Mais il reste une différence entre un projet scientifique et une proposition du gouvernement”, ajoute-t-il.

Belga

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10 septembre 2018 - 12h06
Modifié le 10 septembre 2018 - 12h06