Procès de l’attentat du Musée juif : l’accusation égrène les 23 “petits cailloux” laissés en chemin par Mehdi Nemmouche

Le procureur fédéral Bernard Michel a comptabilisé une vingtaine d’éléments à charge de Mehdi Nemmouche. Pour le magistrat, ces 23 “petits cailloux” laissés en chemin ne sont pas des “miettes”, mais bien des “grosses briques” qui permettent de bâtir l’édifice de culpabilité de l’accusé de la tuerie au Musée juif de Belgique, le 24 mai 2014.

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En fin de plaidoirie jeudi dernier, l’avocat d’Unia, Me Marchand, avait brandi un document reprenant 31 éléments à charge de l’accusé. L’accusation n’en a elle comptabilisé “que” 23, s’est amusé le procureur fédéral.

La première preuve de la culpabilité de Mehdi Nemmouche est sa présence à Bruxelles, où il passe deux mois alors qu’il n’y a aucune attache, selon Bernard Michel. Le magistrat a également relevé le mensonge de l’accusé aux douaniers à Marseille, lorsqu’il avait indiqué n’être arrivé dans la capitale belge que le 27 mai, pour y faire du tourisme.

Mehdi Nemmouche n’a pas d’alibi, son ordinateur n’a pas d’activité au moment des faits et est vu en costume avec des sacs noirs par la femme de son propriétaire dans l’après-midi du 24 mai. Le timing de connexion à son ordinateur, 26 minutes après la tuerie, est compatible avec les constatations des enquêteurs quant au trajet entre le Musée juif et son appartement à Molenbeek, a poursuivi le magistrat fédéral.

La caméra saisie sur l’accusé est celle qui se trouvait sur la veste du tueur, elle a été branchée à 16h17 à son ordinateur, l’analyse morphologique des images de vidéo-surveillance correspond à Mehdi Nemmouche, tant pour le repérage la veille des faits que le jour-même, a continué à égréner Bernard Michel.

Les semelles des chaussures que portait l’accusé lors de son arrestation – une “véritable signature”, selon l’expert – qui correspondent parfaitement à la trace sur la porte du Musée juif, la veste bleue du tueur dans ses bagages, la reconnaissance par un témoin devant la cour d’assises, la présence de son seul ADN sur le tube de colle utilisé pour fixer la caméra Gopro à la veste et sur la casquette Nike visible sur les images de vidéo-surveillance, les baskets Asics qui ont laissé des traces sur les sacs poubelles découverts dans son appartement à Molenbeek ou encore les résidus de tir sur la veste sont, pour l’accusation, autant d’éléments à charge de Mehdi Nemmouche.

Les armes trouvées en possession de l’accusé constituent une preuve particulièrement lourde de sa culpabilité, a poursuivi le procureur. Les expertises ont montré qu’il s’agissait bien de celles utilisées pour la tuerie et qu’il les a manipulées puisqu’on y a trouvé ses empreintes, ADN sur l’une et papillaire sur l’autre. Nacer Bendrer a par ailleurs reconnu que son ancien co-détenu lui avait demandé une kalachnikov un peu plus d’un mois avant les faits.

Les photos et vidéos de revendication issues de son ordinateur prouvent que Mehdi Nemmouche est bien le revendicateur qui y apparaît, selon le magistrat fédéral. Sa voix a été reconnue par un expert et par les otages français en Syrie, sa morphologie est semblable, et les vidéos ont été “sans le moindre doute” tournées dans l’appartement de Molenbeek, a souligné Bernard Michel.

La téléphonie de l’accusé, qui dévoile ses contacts avec Nacer Bendrer et Mounir Attallah, “illustre à merveille le concept de téléphonie de guerre” développé par le chef d’enquête français, a rappelé le procureur, qui s’étonne que quelqu’un qui dispose de peu d’argent se débarrasse aussi souvent de son GSM.

Mehdi Nemmouche, s’il nie être l’auteur de la tuerie, montrait en tout cas un grand intérêt pour le sujet. Il en parle aux jeunes qui ont racheté sa Gopro, consulte de nombreux articles en ligne, allant jusqu’à télécharger des photos qui les accompagnent, et est arrêté avec plusieurs journaux consacrés à l’événement, a remarqué Bernard Michel.

Les liens entre l’accusé et la filière qui a commis les attentats de Paris et Bruxelles sont confirmés par un fichier audio retrouvé dans l’ordinateur de Najim Laachraoui. Cette conversation indiquait que le kamikaze de Brussels Airport était prêt à enlever une personnalité pour tenter de faire libérer Mehdi Nemmouche, a rappelé le procureur.

Le fait que Mehdi Nemmouche ait pu quitter la Syrie avec son passeport en février 2014 n’est pas anodin, puisque les djihadistes étrangers devaient le remettre à leur arrivée sur les terres du califat, a soulevé Bernard Michel. Cela veut dire qu’il est parti “avec l’assentiment des siens”, qu’il a reçu “un ordre de mission”.

Parmi les rares choses dites par l’accusé lors de ses interrogatoires, dans une longue discussion sur la politique internationale et les grands conflits, il a fait une comparaison entre juifs et nazis qui montre son profond antisémitisme, ce qui a été confirmé par les otages, estime le magistrat. Il a aussi, lors d’une confrontation, assuré que Nacer Bendrer n’avait rien à voir avec les faits. “Grossière erreur. Comment peut-il le savoir s’il n’est lui-même pas impliqué? “

La personnalité de Mehdi Nemmouche correspond à la maîtrise de lui-même et des armes dont a fait preuve l’auteur de la tuerie, selon l’accusation. “A aucun moment, il n’a perdu son ‘self-control’. Cette manoeuvre n’est pas donnée au premier venu.”

Enfin, son attitude depuis son arrestation ne cadre absolument pas avec celle de quelqu’un d’innocent, a martelé le procureur. Il adopte une attitude “parfois caustique, détachée, il rigole à certains moments”. “Ce n’est pas normal, son détachement est hallucinant alors qu’on lui met quatre assassinats à caractère terroriste sur le dos.”

Quant au “piège” dont Mehdi Nemmouche aurait été victime, “on ne sait pas comment il est arrivé”, a insisté Bernard Michel. “Il n’a aucun contact à Bruxelles pendant deux mois. Qui serait venu lui donner, après les faits, les armes et éléments trouvés sur lui? On nous a promis une montagne d’explications, mais elle ne viendra jamais, c’est un effet d’annonce.”

Le complice accepte la responsabilité des actes commis grâce à son aide (procureur)

“La personne qui fournit une aide à une autre en se doutant que celle-ci va commettre une infraction accepte implicitement d’endosser la responsabilité de toutes les infractions qui seront commises grâce à cette aide”, a rappelé le procureur Yves Moreau, lundi en début d’après-midi, devant la cour d’assises de Bruxelles. Ainsi, ce dernier estime que Nacer Bendrer a bien une responsabilité dans l’attentat au Musée juif de Belgique.

“L’aidant doit-il être au courant de ce à quoi son aide va servir [pour être reconnu coupable]?”, a interrogé Yves Moreau. “Oui” selon le magistrat, citant un arrêt de la Cour de cassation du 16 décembre 2003.

“Cet arrêt stipule qu’en principe, la participation criminelle requiert que le participant ait connaissance de la circonstance qu’il participe à un crime ou à un délit. Il précise aussi qu’il est nécessaire mais suffisant que le participant ait connaissance de toutes les circonstances qui donnent au fait auquel il participe le caractère d’un crime ou d’un délit déterminé. Et enfin, il affirme que lorsque le participant renonce sciemment à connaître davantage quelle est l’infraction projetée, il ne s’ensuit pas qu’il contribue inconsciemment à cette infraction, mais bien qu’il veut participer en connaissance de cause à n’importe quelle infraction déterminée”, a exposé le procureur.

“Ainsi, la Cour rappelle que la personne qui fournit une aide à une autre personne, en se doutant que celle-ci va commettre une infraction, accepte implicitement d’endosser la responsabilité de toutes les infractions qui seront commises grâce à cette aide”, a-t-il affirmé.

En d’autres termes, l’accusation estime que Nacer Bendrer – qu’elle accuse d’avoir fourni des armes à Mehdi Nemmouche – s’il n’avait pas connaissance du projet d’attentat, devait en tout cas se douter qu’une infraction allait être commise. Cette constatation implique que Nacer Bendrer doit assumer la responsabilité de l’attentat, selon l’accusation.

Lundi en fin de matinée, le procureur Yves Moreau a exposé que selon lui Nacer Bendrer avait bien apporté une aide à Mehdi Nemmouche, précisant qu’il s’agissait toutefois d’une aide ‘accessoire’ et non ‘essentielle’. Nacer Bendrer est donc, selon l’accusation, un complice de l’attentat mais pas un co-auteur, soit la qualification pour laquelle il a été renvoyé devant la cour d’assises de Bruxelles. Cette différenciation entraîne des sanctions pénales différentes.

Lors des débats, Nacer Bendrer a admis que son ancien co-détenu, Mehdi Nemmouche, lui avait demandé de lui trouver des armes, plus précisément une kalachnikov. Mais il a affirmé qu’il ne lui avait jamais fourni ce qu’il voulait.

Mehdi Nemmouche, lui, nie également ce qu’on lui reproche, soit être l’auteur de l’attaque commise au Musée juif de Belgique, rue des Minimes à Bruxelles, le 24 mai 2014, lors de laquelle quatre personnes avaient été tuées.

Belga

 

 

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25 février 2019 - 18h23
Modifié le 25 février 2019 - 19h43