Entre pressions et intimidations, le projet d’ordonnance sur la transparence est traversé par un cyclone au parlement bruxellois

Les pressions sont nombreuses autour du projet d’ordonnance sur la transparence débattue au parlement bruxellois. Des pressions qui mènent à des situations décrites comme « hallucinantes » dans les couloirs du parlement : certains députés PS accusent leur propre parti de les dissuader, à coup de menaces et d’intimidations, de soutenir une politique plus ferme en terme de transparence. De son côté, le groupe PS au parlement pointe du doigt Transparencia pour ses méthodes de lobbying comparées à celles de « voyous ». Difficile d’y voir clair dans la tempête.

Le texte qui vise un meilleur accès aux documents publics pour les citoyens est une pierre d’achoppement pour les partis, notamment pour le PS qui s’est engagé à faire aboutir ce projet. De l’autre côté de l’échiquier, on retrouve Transparencia et Cumeleo, deux groupes de pression qui soutiennent un texte plus contraignant que celui proposé pour l’instant.

A la suite de l’affaire du Samusocial, le groupe socialiste s’était engagé en 2017 à faire aboutir une ordonnance pour permettre aux citoyens désireux d’accéder en toute transparence aux documents administratifs auprès des pouvoirs publics. Alors que ce projet était discuté au niveau du gouvernement Vervoort, sur base de recommandations émises par le groupe de travail sur la gouvernance, une seconde proposition d’ordonnance a également été déposée, soutenue par le MR, Ecolo, Groen, N-VA, PTB et cosignée par Défi et le CDH. Dans cette mouture, plus contraignante que celle du gouvernement, on trouve des propositions soufflées par Transparencia et Cumuleo. Ce second texte vise notamment des astreintes en cas de refus des pouvoirs publics de transmettre des documents sur demande. Une position que ne partage pas le PS, qui préfère faire appel à la Commission d’Accès aux Document Administratifs (CADA), présidée par un magistrat, en cas de refus. Celle-ci aurait alors le pouvoir de réclamer elle-même les documents que les autorités refuseraient de communiquer aux citoyens.

Le groupe PS au parlement accusé de mettre la pression sur ses propres députés

Au cœur de la bisbrouille actuelle se trouve le député PS Emin Özkara. Il dénonce depuis plusieurs semaines des menaces et des intimidations supposées, notamment de la part de son propre parti. L’élu, proche de Transparencia, soutient une série de dispositions contraignantes et entre ainsi en conflit avec la vision de son parti. De fait, Emin Özkara, Zahoor Manzoor et Mohamed Azzouzi ont introduit un amendement pour modifier un point dans le texte déposé par le gouvernement. Dans la version actuelle, il est demandé aux citoyens de communiquer une copie de leur carte d’identité pour toute demande de documents. Selon Transparencia, cette disposition est « une nouvelle embûche » dans la démarche de transparence. Or, cet amendement, Emin Özkara l’a déposé sur sa propre initiative, sans en informer son parti. Une décision qui fait grincer des dents du côté des responsables socialistes, comme en attestent ces sms envoyés ce lundi par Jamal Ikazban et Laurette Onkelinx pour recadrer leur député.

 

L’homme se dit harcelé depuis plusieurs semaines par certains membres de son parti via téléphone, messages et sur les réseaux sociaux pour retirer cet amendement. Emin Özkara a, en date du 10 avril, écrit à Laurette Onkelinx, présidente de la Fédération bruxelloise du PS et à son président de parti, Elio Di Rupo : « Camarade, je voulais te dire et t’écrire que mon cabinet et moi‐même subissons des “pressions” et “intimidations” de la part de Camarades bruxellois suite à l’affaire Transparencia, et cela depuis le vendredi 5 avril 2019 ».

Du côté du groupe PS au parlement, on nous souffle que le député serait depuis quelques semaines en roue libre, ne répondant plus aux messages et appels de ses responsables directs au parlement. Emin Özkara vient de déposer une plainte auprès de la police concernant les pressions subies.

De l’opacité dans la volonté de transparence

C’est donc une gué-guerre à différents niveaux qui a été lancée : au sein même du parti socialiste selon certains témoignages, mais également entre Cumuleo, Transparencia et les élus socialistes qui disent vouloir « un débat apaisé » sur ces questions. Pour voir aboutir une législation, Transparencia n’hésiterait pas à intimider les députés, en étant présent au sein même du parlement.

Les élus socialistes se plaignent en retour des pressions, du harcèlement et des violences verbales ou physiques, faites par Transparencia. « Nous n’avons jamais travaillé dans de telles conditions, c’est de la folie de subir autant de pressions extérieures ! Le débat ne peut être serein dans ces conditions et ce n’est bon pour personne, que ce soit pour les citoyens ou pour les élus qui travaillent à une meilleure transparence », nous glisse-t-on.

Une situation qui dérape un peu plus encore lorsque Emin Özkara accuse ses collègues de parti de s’être introduits sans son accord dans son bureau au siège du PS. Chez les socialistes, on voit rouge : “On est dans la quatrième dimension avec cette histoire!“, des accusations qui relèvent pour eux “soit de la pure invention, soit de la calomnie” et de fustiger Transparencia : “Encore aujourd’hui, une députée et une collaboratrice ont été insultées et bousculées dans les locaux même de leur groupe parlementaire, sous les yeux de la police”.

Pour un retour au calme dans et aux abords de l’hémicycle, le groupe PS va demander au président du parlement bruxellois de statuer sur la présence des membres de Transparencia en ses lieux, qui pourraient ainsi se voir refuser l’accès.

Marine Guiet

 

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29 avril 2019 - 19h47
Modifié le 29 avril 2019 - 20h03