Rue de la Loi : plus que quelques heures avant l’Acte II
Nous avons voté il y a 17 jours. Et vu le nombre de rebondissements (que vous ne manquez pas de suivre quotidiennement sur ce blog bien sûr) l’adage se confirme que même deux semaines et demi, en politique, c’est une éternité. Vous avez l’impression d’être dans le brouillard, et que la situation est encore plus complexe qu’au soir du 26 mai ? En réalité elle s’éclaircit jour après jour. S’éclaircir veut dire ici que le nombre d’options diminue, pas qu’elles soit plus simples à mettre en œuvre.
A l’heure où j’écris ces lignes nous sommes dans ce moment charnière très particulier qui organise le passage de la phase de consultation à celle des négociations. Les consultations permettent d’entendre tout le monde, de faire le tri entre les propos de campagne et les demandes réellement incontournables, de lister les priorités de chacun, les points de convergences possibles et les divergences insurmontables afin de dessiner les grands axes d’un projet commun et de déterminer les partenaires potentiels. La phase de négociation se fait avec les seuls partenaires, elle permet d’affiner chacun des points de convergences, d’éliminer ou encommissionner les divergences, de rédiger un programme de gouvernement en priorisant et budgétant les mesures envisagées, en équilibrant le tout pour que chacun s’y retrouve. Le document final, s’il est accepté, engagera les signataires pour la durée de la législature, sauf accident de parcours.
A Bruxelles, on l’a dit dès le 26 mai, écrit à plusieurs reprises (et beaucoup de confrères également) : la coalition la plus facile à mettre en place regrouperait le PS, Ecolo et Défi. Elle associe des partis et des personnalités qui donnent l’image de se respecter et d’avoir envie de travailler ensemble, correspond à l’appellation de « progressiste » utilisée pendant la campagne, les programmes sont globalement compatibles à l’exception de la question du métro (pour faire simple : l’extension du métro vers Evere, telle que décidée par l’ancienne majorité est un préalable du PS, les Ecolo redoutent qu’elle ne pompe l’intégralité du budget investissement de la STIB … il faudra éclaircir ce point pendant la phase 2). Certes, des difficultés ne sont pas à exclure ( la dernière note, rédigée par Bernard Clerfayt, a quelque peu raidi les socialistes par exemple pouvait-on apprendre ces derniers jours) mais elles ne semblent pas de nature à contrarier le plan initial.
En Wallonie la situation est plus tendue. Le PTB n’a pas l’air prêt à saisir la main tendue du PS (voir mon billet précédent), mais le PS ne semble pas se résigner à ce stade. Coté socialiste, on a la conviction que reformer une coalition avec le MR serait certes confortable à court terme, mais qu’elle est difficilement acceptable pour les militants, et qu’elle se paiera cash lors des prochains scrutins (laisser le PTB, et éventuellement Ecolo dans l’opposition pour se « compromettre » avec des libéraux qu’on a voué aux gémonies pendant 4 ans, serait électoralement contre-productif en plus d’être idéologiquement contre-nature). Paul Magnette et Elio Di Rupo continuent donc d’explorer la piste d’une coalition « de gauche » quitte à ce qu’elle soit minoritaire. Si Ecolo donne son feu vert les deux partis tenteront le coup… en espérant que la pression de la FGTB et de l’électorat finira par amadouer Raoul et ses camarades. Au pire, les stratèges socialistes n’exclut pas de se présenter au parlement wallon avec une coalition minoritaire mais en incorporant dans leur accord de gouvernement des mesures phares comme la gratuité des transports, la construction de logements sociaux ou une assurance autonomie qui mettraient alors le PTB et le CDH au pied du mur.
Au fédéral, les informateurs ne communiquent guère. Vous aurez compris que la solution n’est pas pour tout de suite. Pire, la tournure que prennent les choses en région (à droite pour la Flandre, à gauche pour Bruxelles et la Wallonie) risque de retarder encore l’échéance.
Un moment charnière n’est pas fait pour durer éternellement. Ce mercredi des réunions internes ont déjà lieu au PS et à Ecolo. On y fait le point et on y entérine les orientations qui seront à l’œuvre dans les prochains jours. Les formateurs (socialistes) et leur allié privilégié (Ecolo) vont bien devoir sortir du bois et annoncer le lancement de négociations en bonnes et dues formes. Sauf surprise ce sera donc PS-Ecolo-Défi en Région Bruxelloise, et PS-Ecolo en Wallonie. C’est une question d’heures ou de jours pour Bruxelles, avec des négociations qui pourraient formellement débuter la semaine prochaine. Il faudra peut-être quelques contacts supplémentaires et quelques jours de plus côté wallon. Mais nous arrivons à la fin de l’Acte I. L’acte II va débuter, et tout le monde ne montera pas sur scène.