Rue de la Loi : Elio Di Rupo bégaie ses exclusives (J+18)
C’est ce qu’on appellera une communication imparfaitement calibrée. En concédant que discuter d’un gouvernement fédéral “cela peut être un autre univers si on abandonne l’institutionnel“, Elio Di Rupo a-t-il entrouvert la porte à un gouvernement associant PS et N-VA pour autant que l’on se concentre sur un programme socio-économique ? Ces propos, tenus sur la RTBF jeudi matin, étaient ambigus, et lorsque l’intervieweur lui a fait remarquer que la petite phrase s’éloignait du “jamais avec la N-VA” d’avant la campagne, la précision présidentielle resta for imprécise : “Je prends acte de la réalité politique issue de l’élection, je ne suis pas en train de lancer des exclusives, deux informateurs ont été nommés par le roi, de grâce, laissons travailler ces deux informateurs“.
La non-réponse a donc déclenché son lot de dépêches, commentaires et analyses, Ecolo se fendant même d’un communiqué pour préciser qu’en ce qui le concerne, la N-VA c’était toujours non. Face à la déferlante, le président du PS, sentant la boulette, a même finit par tweeter : “Que ce soit clair, le PS ne souhaite pas gouverner avec la N-VA“.
Que faut-il en conclure ? Qu’un gouvernement socio-économique comprenant tant le PS que les nationalistes flamands serait dans l’air ? Sans vouloir minimiser le travail des informateurs, il serait quand même très étonnant de rapprocher aussi vite des partis dont les programmes (même sur le terrain économique et social) sont aussi éloignés. Que le PS envisage d’aller rapidement avec la N-VA est donc un raccourci journalistique audacieux. A notre connaissance, Didier Reynders et Johan Vande Lanotte ont vu chaque président de parti à deux reprises, et eu quelques échanges informels supplémentaires avec certains d’entre eux. Le contact n’est pas rompu, mais la mission loin d’être achevée. En revanche qu’Elio Di Rupo ait usé d’une formule qui ne compliquait pas le travail des deux informateurs en renouvelant son exclusive de la campagne électorale méritait d’être souligné. S’agit-il d’une évolution de la position socialiste, qui le temps aidant, accepterait de discuter avec la N-VA ? C’est probablement un peu tôt pour l’admettre. Il n’est pas exclu que le président du PS ait encore eu en mémoire le tollé provoqué par sa sortie du 27 mai lorsqu’il avait envisagé un gouvernement sans la N-VA, qui serait minoritaire en Flandre (“Je crois qu’à terme cela sera la solution“, avait-il dit sur le plateau du JT, provoquant une bronca générale en Flandre, ce serait une “folie mondiale” lui avait même rétorqué Jan Jambon). Sachant que ses propos sont aussi décryptés au nord du pays, le président du PS a préféré botter en toucher par une formule qui, si on l’isole de la question posée, ne veut absolument rien dire. Le problème quand on fait une non-réponse c’est que l’info se trouve finalement dans la question. Et que finalement tout est possible, y compris l’hypothèse qu’Elio Di Rupo, coincé par le PTB en Wallonie, vient d’envoyer un signal au Mouvement Réformateur pour lui signifier qu’une participation du PS au fédéral n’était plus impossible si les libéraux lui facilitent les choses en Wallonie. Même si, dans ce cas, le tweet correcteur ressemblerait à un rétro-pédalage incompréhensible.
Résumons, le 27 mai Elio Di Rupo était imprudent en laissant entrevoir un gouvernement sans N-VA, le 13 juin il fait preuve d’un excès de prudence en ne l’excluant plus. Dans les deux cas nous glosons. Outre que cela indique que la pensée Di Rupienne reste évolutive et dépend plus des circonstances et de la question posée que d’une conviction profonde, l’idée que l’informateur wallon n’est plus aussi précis qu’autrefois dans sa communication est, tout doucement, en train de s’installer.