Rue de la Loi : vous ne voulez pas gouverner ? Ne vous présentez pas ! (J+29)
Demain, cela fera 30 jours que nous avons voté. Un mois après le scrutin, à l’exception de la communauté germanophone, aucun gouvernement n’est formé. Ce délai n’est pas anormal : rédiger un accord, objectiver et budgéter des mesures, équilibrer les sensibilités des différents partenaires peut prendre du temps. Ce qui l’est beaucoup plus, en revanche, c’est qu’aucune négociation ne soit aujourd’hui réellement enclenchée.
Bien sûr, la Belgique est un pays compliqué. Trois régions, trois communautés, un État fédéral, ça ne se gère pas si facilement. Bien sûr, l’électeur est souverain. Et ses choix ont un peu compliqué la donne : une Flandre qui penche à droite, Wallonie et Bruxelles qui penchent à gauche, ça ne facilite pas les choses au niveau fédéral. À tous les niveaux de pouvoir, on observe en prime un recul des partis traditionnels, l’apparition de formations nouvelles et un émiettement de l’offre électorale. Conséquence de notre système de scrutin à la proportionnelle : les parlements sont de plus en plus fragmentés. Il faut donc coaliser de plus en plus de partis pour obtenir une majorité parlementaire. Et si on exclut de gouverner avec les partis les plus radicaux, cela réduit nécessairement les possibilités.
Voilà pour la toile de fond. Elle est vraie pour la Belgique, comme pour d’autres pays européens confrontés au même phénomène d’émiettement. Mais si nous sommes toujours coincés au bout d’un mois, c’est avant tout de la faute des partis politiques eux-mêmes. De la faute des exclusives prononcées au niveau fédéral. De la faute du cdH et du PTB qui refusent de monter des majorités gouvernementales quand ils pourraient y être utiles. De la faute d’une démarche qui se veut créative en Wallonie de la part du PS et d’Ecolo, mais qui a ce stade n’a pas la majorité. De la faute de la N-VA en Flandre qui veut entendre le message de l’électeur d’extrême-droite et explore une piste qui flatte le Vlaams Belang dans le sens du poil, en tentant de l’associer à l’exercice du pouvoir d’une manière ou d’une autre. De la faute enfin de l’Open VLD qui, après avoir dit oui à son maintien dans la majorité bruxelloise, refuse maintenant d’entrer en négociation.
Chaque parti a ses raisons, qu’il ne manque pas de juger légitimes voire excellentes. Mais dans tous les cas, ce ne sont que des raisons partisanes. Des raisons de stratégie électorale, qui placent donc l’intérêt de la formation politique au-dessus de l’intérêt général. Quand on se présente aux élections, c’est théoriquement pour gouverner. Aujourd’hui, un nombre croissant de partis se refusent à le faire. C’est leur survie ou leur croissance qu’ils sont occupés à protéger au lieu de se soucier de la survie ou de la croissance de leur région, communauté ou pays, ou, pour être moins grandiloquent, de simplement améliorer les conditions de vie des citoyens comme ils en ont reçu le mandat. Alors on ne va pas parler d’un déni de démocratie mais rappeler que personne n’est obligé d’entrer en politique. Personne. Personne n’est obligé de rédiger un programme ou de serrer des mains pour se faire connaitre. Personne. Si on le fait, c’est bien pour gouverner. Ne pas être au rendez-vous des négociations, c’est qu’on le veuille ou non, une manière bien réelle de tromper les électeurs. Comme disait Jacques Simonet, homme politique bruxellois disparu : “Quand on n’est pas capable de s’adapter en politique, on peut faire de la plasticine ou de la danse classique.” Ça n’a rien de déshonorant, mais c’’est pas la même chose.